Point sur le conflit russo-ukrainien

Vendredi 11 mars 2022

Marchés Financiers

L’économie mondiale va-t-elle ou non entrer en stagflation * ?

La guerre ukrainienne intervient dans un contexte de ralentissement de la croissance mondiale et de forte inflation**. La reprise post-Covid-19 est désormais l’affaire du passé. Les économies devaient revenir vers leur potentiel de croissance avec moins de goulets d’étranglement et de difficultés d’approvisionnement, ce qui aurait permis de réduire les pressions inflationnistes. Toutefois, l’invasion russe a poussé les prix de l’énergie à des niveaux records et a réduit la visibilité à court terme. 

En Europe notamment, nous prévoyons que la dynamique de la demande intérieure sera freinée par plusieurs facteurs : une hausse de l’inflation**(augmentation des prix de l’énergie et des matières premières), la hausse des prix à la production qui aura un impact sur les marges bénéficiaires des entreprises, la hausse des taux d’intérêt qui affectera les investissements et l’impact du programme NGEU***qui sera dilué par la hausse des coûts (matières et énergies). Ce choc d’incertitude pourrait, à court terme, affecter la dynamique des investissements des entreprises et de la consommation des ménages. Les sanctions contre la Russie vont également limiter les exportations de matières premières essentielles et de céréales, en plus du pétrole et du gaz. Les pénuries d’approvisionnement pourraient donc, à terme, avoir un impact négatif sur la production industrielle et la consommation (hausse des prix des denrées alimentaires).

Plus le conflit durera, plus la confiance des ménages et des entreprises se détériorera, et plus l’inflation risque de rester élevée et l’activité économique de ralentir. Le choc de confiance sera plus fort en Europe continentale qu’aux États-Unis, en raison de la proximité géographique du Vieux Continent et de sa dépendance énergétique. Ceci est d’autant plus vrai que la crise actuelle pourrait se doubler d’une crise migratoire (les pays voisins de l’Ukraine comptent déjà près de 2 millions de réfugiés).

Nous pensons que la Banque centrale européenne (BCE) et la Réserve fédérale américaine (Fed) feront preuve de prudence à court terme. Les deux banques centrales seront probablement soucieuses de marquer leur volonté de normalisation monétaire cette année afin d’ancrer les anticipations d’inflation, ce qui pourrait renforcer la pression baissière sur la demande. Cependant, la question de la politique monétaire ne se posera pas dans les mêmes termes pour la Fed et la BCE. Il est, en effet, plus facile pour la Fed de justifier une hausse de taux et de mettre fin à ses achats d’actifs. Par ailleurs, le risque d’un ralentissement économique marqué est bien plus prononcé en Europe qu’aux États-Unis. Plusieurs économies européennes pourraient entrer en stagflation d’ici la fin 2022 ou début 2023.

En conclusion, on peut dire que les forces stagflationnistes sont déjà à l’œuvre en raison du ralentissement de la croissance et de l’inflation élevée en sortie de crise sanitaire. Néanmoins, la stagflation au sens propre i.e. un fort ralentissement, voire une récession, avec des pressions inflationnistes persistantes, ne se concrétisera que si le conflit ukrainien s’enlise et si plusieurs niveaux de sanctions sont mis en œuvre.

Par Pierre Blanchet, Responsable Investment intelligence, Amundi Institute.
Rédaction achevée le 09 mars 2022.